Créer une pièce à trois rôles, dont l’un d’eux est un journal intime.
Voilà le défi que je me suis lancé.
Donner vie à un personnage, sa voix, ses sentiments, uniquement par le biais de ses mots couchés dans un cahier… Et par tout ce qu’ils déclenchent chez les deux autres qui, clandestinement, les lisent.
Faire de l’absence même de ce personnage la clé de voûte de l’histoire qui se déroule sur scène : c’est parce que Laura n’est pas là que son père fait irruption chez sa mère ; parce qu’elle n’est pas là qu’ils s’autorisent ce pêché parental de lire son journal intime ; parce qu’elle n’est pas là qu’ils découvrent les secrets de sa vie d’adolescente… et ceux de leur propre séparation.
Laura et son journal deviennent les chefs d’orchestre de la partition jouée par Simon et Magali. Les voilà ainsi poussés par leur fille – bien malgré elle, bien malgré eux – à se parler pour la première fois depuis des mois, à se confronter, à se dévoiler l’un à l’autre. Pour finalement se rapprocher.
Saisis par le tourbillon des révélations de cet innocent cahier, Simon et Magali s’interrogent sur eux-mêmes, sur leur fille et sur leur couple. Ils subissent, pris au piège de leur propre indiscrétion, mais surtout, ils réagissent. Et c’est bien la fonction de ce journal : provoquer des réactions en chaine qui font le lit de toute comédie.
Nourrie au biberon des sitcoms anglo-saxones, dans lesquelles les situations s’enchaînent avec frénésie et les mots fusent, portées par des personnages souvent flamboyants, je m’en suis joyeusement inspirée pour créer cette pièce à la française. Un homme exubérant. Une femme insaisissable. Un duo qui navigue entre duel et pas de deux. Deux amoureux perdus qui s’invectivent autant qu’ils s’appuient l’un sur l’autre, tels des aimants qui se repoussent et s’attirent selon les pôles mis face à face. Et au milieu de tout ça, une adolescente qui se cherche, et dont les expériences pas toujours bien trouvées rendent ses géniteurs… chèvres. Irrémédiablement.
Le couple. Être parents. L’adolescence. Ces trois sujets éternels traversent la pièce, s’imbriquant les uns aux autres pour mieux se percuter, et donner matière à rire. Et peut-être aussi à penser. Par la dérision et l’excès, c’est un peu de notre époque que je cherche à raconter. Ni leçon ni morale, juste le plaisir de nous moquer de nous-mêmes et de certaines bizarreries de notre 21ème siècle naissant.
Coralie MILLER