Qu’est-ce qui t’a séduit dans ce texte ?
Je trouve l’écriture excellente et les personnages très bien écrits. Il y a un ton aigre-doux très contemporain. C’est une pièce très cruelle quand on la décortique. Ce sont des couples qui ne sont ni épanouis, ni harmonieux, ni exemplaires… et en même temps, on rit énormément car il y a des répliques qui font mouche d’une façon incroyable.
Chaque personnage a sa personnalité, son moteur, son énergie, son caractère, sa place sociale… Les frères ont une complicité et une fraternité très solide. Mais les femmes ne sont pas du tout faites pour s’entendre, elles sont très différentes les unes des autres.
La démarche d’Eric Assous est d’écrire une comédie mais il y a un fond, « un constat d’échec » entre ces différents couples. C’est un peu dans la veine d’Un vrai bonheur de Didier Caron ou des pièces de Jaoui-Bacri, des comédies françaises qui sont teintées d’un esprit anglo-saxon, sans la façon de se défendre par une réplique drôle de l’esprit et beaucoup de finesse.
Ce qui est également très agréable, à mes yeux, c’est qu’il s’agit d’une pièce chorale, ce qui veut dire qu’il n’y a pas de rôle plus fort qu’un autre et que les comédiens ont de beaux personnages à défendre.
Pourrais-tu définir les personnages ?
Eric Assous nous plonge dans une réunion de famille, en réalité, une pendaison de crémaillère, où se retrouvent trois frères. Mais très vite, il crée une situation de crise à cause d’une personne extérieure qui débarque inopinément et qui déclenche des règlements de compte entre les personnages.
Le premier couple est formé par un avocat et une enseignante, ce sont des intellectuels, des littéraires. C’est un couple dans lequel on ne sent plus vraiment beaucoup d’amour mais plutôt une habitude de cohabitation. Elle est d’humeur massacrante car elle ne voulait pas venir. Elle n’arrête pas de lancer des vannes et de s’en prendre à l’un et à l’autre. Son mari essaie de tempérer mais on sent très bien qu’il a l’habitude et qu’il sait que rien ne peut l’arrêter…
Il y a le couple qui reçoit. Lui essaye que tout se passe bien, il est joyeux d’avoir invité ses frères, il se rend compte qu’il y a des tensions alors il essaye d’arrondir les angles. C’est un type extrêmement gentil et enthousiaste, il est heureux de cette bonne soirée qu’ils vont passer. Il va vite déchanter car l’atmosphère va se détériorer rapidement. Sa femme a comme passion de faire à manger, c’est une femme au foyer et elle l’assume. Elle n’a pas d’autre ambition que de recevoir des gens chez elle et de bien les nourrir. Elle n’a pas une once de médisance, de méchanceté, elle ne voit le mal nulle part et est parfois étonnée de voir que les choses partent en quenouille. Naïve et candide, elle va être très vite sous tension.
Troisième et dernier couple : le frère dentiste et son épouse qui dirige une agence immobilière haut de gamme. Ce sont des mondains. Elle est très superficielle, voire méprisante vis-à-vis de l’hôtesse. On sent de l’aigreur dans le couple. Elle dénigre fortement son mari ainsi que son travail et il s’écrase.
Arrive une personne qui n’était pas prévue au programme, une jeune femme ravissante qui a un lien avec les trois frères. Son arrivée va perturber la soirée et permettre la révélation de choses pas très agréables à entendre.
C’est très contemporain par rapport à cette vie qui peut être comme un rouleau compresseur, qui ne privilégie pas les rapports conjugaux harmonieux, la complicité et le dialogue ente époux.
Quelle différence existe-t-il entre ce spectacle et ceux que tu as déjà monté ?
Tous les spectacles sont différents par l’humour, l’ambiance, le contexte, le propos. Ici, il y a énormément de psychologie, beaucoup de regards. La comédie d’Eric Assous n’est pas une pièce explicative, elle se joue beaucoup sur les sentiments. Il y a des insinuations, des vacheries, on donne le change en prenant un air léger mais on sent qu’il y a de la gêne, de l’aigreur, une insatisfaction. Les personnages ne sont pas épanouis, le côté psychologie est important dans ce spectacle beaucoup plus que dans un vaudeville. C’est un univers plus subtil et qui met mal à l’aise. Il y a probablement des gens qui vont se projeter ou s’identifier. Ce qui arrive ici arrive sans doute dans certaines fêtes de famille qui tournent mal.
Martine WILLEQUET